Abdoo’s Corner – « White Privilege » dans le Hip-Hop : Mythe et/ou Réalité?
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Ok, j’avoue que je n’ai pas choisi un thème facile à traiter, et comme les sujets sensibles entraînent souvent des avis polarisés, je tiens à préciser que je ne fais part que de ma propre opinion basée sur mes observations du Rap Game dans cet article.
Depuis mon enfance, j’ai toujours vu la culture Hiphop comme une religion. En effet, en mesurant son impact, on remarque qu’elle a « converti » des jeunes en quête d’expression artistique dans (presque) chaque pays du globe, bien avant l’arrivée d’Internet. Les 5 disciplines qui la composent (MC’ing, Breakdancing, Graffiti Art, Dj’ing et Beatboxing) ont permis à chacun de trouver dans quelle voie il/elle se sentait confortable pour aiguiser ses talents aux côtés de ses pairs.
Puis, les décennies ont défilé et le rap est devenu l’élément le plus médiatique car il est sûrement celui qui correspond le mieux au modèle de l’entertainment industry (The show must go on so money can keep flowing in). Donc, si les rappeurs ont obtenu une voix qu’ils n’avaient jamais eue auparavant, le monde autour n’a pas perdu de temps pour parler d’eux non plus. Mais le plus divertissant dans tout ça, est lorsque les membres les plus vocaux du mouvement donnent leur opinion sur leurs « frères d’art » (on aime tous les beef toi-même tu sais, fais pas genre) .
Evidemment, le Rap est LE genre musical compétitif par excellence, tout est bon pour déstabiliser un concurrent pouvant nous faire de l’ombre et ce qui se passe au sein du Hiphop est le reflet de la société. Les bons et surtout les mauvais aspects sont exacerbés à l’extrême dans ce microcosme. Alors logiquement, j’ en arrive au titre de mon article très « click bait » mais non moins préoccupant. En sachant que la société américaine est toujours hyper racialisée et les MC’s, de nature, si critiques à propos des injustices du quotidien, l’idée de dénoncer le White privilege dans le rap game ne devrait même pas être remis en question et être apprécié comme un droit légitime n’est-ce pas?
En fait, en vrai, c’est toujours plus complexe, je m’explique : si nous parlons d’ artistes comme Riff Raff (contre qui je n’ai rien personnellement, il vit sa best life et reste plutôt drôle) il n’est pas difficile de voir qu’il a récupéré les pires stéréotypes de la Culture pour se transformer en parodie vivante qui nous fait nous demander si lui-même arrive à se trouver crédible en tant que « personnage ». Autre exemple qui me vient à l’esprit est Slim Jesus, vous vous souvenez le jeune ado blanc, tout maigre qui a fait péter le net il y a environ quatre ans en crachant du Drill music à la sauce South Side Chi-Town avec automatic guns dans ses clips et dont le buzz s’est significativement calmé aujourd’hui? Il y a une longue liste de noms similaires que l’on peut tous facilement trouver si on fouille sa mémoire.
Pourtant ce n’est pas le plus dérangeant à mon avis, en effet il y a toujours certains individus (peu importe leur couleur de peau, sexe ou origine) qui se lancent dans une forme d’art sans véritable talent mais avec suffisamment de connaissances des mimiques et postures à reproduire pour que la supercherie soit lucrative pendant un moment ou plus (Riff Raff a l’air d’avoir trouvé sa zone de confort et dure depuis un certains temps déjà, so get your money bro, no shade).
(The Beastie Boys et Run DMC in the late 80’s)
Personnellement ce qui me cause le plus de questionnement interne survient lorsque je vois certaines interviews d’un ancien (OG in the game) que je respecte et qui fait partie d’un des plus grands groupes de l’histoire du HipHop : Lord Jamar des Brand Nubian. On sait que Lord J est un Five percenter (mouvement qui a vu le jour à NY dans les années 60, formé par un ancien membre de la Nation of Islam et qui compte Rakim, Planet Asia, Raz Fresco et bien d’autres parmi ses ambassadeurs mondiaux) donc forcément, on ne s’attend pas à ce qu’il soit chaud à chanter les louanges de MC’s nés avec moins de mélanine dans leur derme sur commande( lol). Pourtant son acharnement à discréditer sytématiquement Eminem est, pour moi, déconcertant. Em‘ fait partie de ces artistes qui ont toujours élevé le Game utilisant un talent authentique forgé durant des années de galère (underground grind) et je le mets sans hésitation au niveau de top shottas tels que MC Serch, The Beastie Boys, Evidence, Mac Miller, Machine Gun Kelly, Action Bronson, G-Eazy etc… certes ils ne sont pas noirs mais la culture hiphop étant universelle par essence, leur contribution est nécessaire, appréciée et aussi légitime que celle de n’importe quel autre « poète urbain ».
(MC Serch et Pete Nice du groupe 3rd Bass in the early 90’s)
En guise de conclusion, je tiens à préciser que je ne suis pas un old head qui ne voit que du positif dans la nouvelle vague de rappeurs pour ne surtout pas être labellisé en tant que hater. J’ai développé une relation très personnelle à cet art et je ne peux que constater un déclin autant au niveau de la qualité que de la diversité dans son expression musicale (à quelques exceptions près lol), par contre, la nouvelle génération est beaucoup plus détendue sur certains sujets considérés tabou il y a encore quinze ans.
Effectivement, maintenant que débat public s’est installé sur Twitter, les podcasts et Live streams en tout genre, chacun a une voix. En résultat, les « minorités » (sexuelles, ethniques, économiques, etc…) ont réussi a faire valoir leur présence et instaurer un certain respect à leur égard. Evidemment, tout le monde est beaucoup plus sensible et irritable, donc au final, chacun fait très attention à ce qu’il dit (médiatiquement surtout) mais la génération Z a intégré ça à un niveau qu’on ne pourra jamais égaler car elle est née dedans (tout simplement).
Si tu n’as plus besoin de montrer une virtuosité de contôle du flow couplée à un vocabulaire encyclopédique et des métaphores pleinement compréhensibles à la dix-neuvième écoute (shout out to Black Thought) pour être considéré comme un G.O.A.T. légitime, la communauté Hiphop version 2019 pourrait être définie par un seul slogan: « Viens comme tu es ». Peu importe à quoi tu ressembles, si ta musique donne envie de turn up, bienvenue! C’est pourqoi des commentaires comme ceux de Lord Jamar sont et seront de mons en moins crédibles à l’avenir.
Alors peut-être que dans dix ans, le fait de questionner un rappeur sur son ethnicité ne sera même plus envisageable, mais ce que j’espère tout de même, est que son authenticité pourra toujours être évaluée, le contenu de ses lyrics et son habileté à jouer avec les mots pourront toujours être critiquées ou encensées (suivant le point de vue) librement et objectivement par des gens qui vivent cette culture et veulent ce qu’il y a de mieux pour elle.
Peace.